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290. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Mais bientôt les amis, ou les examinateurs et approbateurs du livre, s’alarmèrent de voir cette façon exclusive de procéder, et qui se trouvait ici en contradiction avec les Livres saints ; ils firent faire un carton avant la mise en vente ; ils adoucirent la phrase, et présentèrent l’idée de Pascal d’un air de précaution que le vigoureux écrivain ne prend jamais, même à l’égard de ses amis et de ses auxiliaires. […] Il faut citer ce passage d’une souveraine beauté : Qui voit Pythagore ravi d’avoir trouvé les carrés des côtés d’un certain triangle, avec le carré de sa base, sacrifier une hécatombe en actions de grâces ; qui voit Archimède attentif à quelque nouvelle découverte, en oublier le boire et le manger ; qui voit Platon célébrer la félicité de ceux qui contemplent le beau et le bon, premièrement dans les arts, secondement dans la nature, et enfin dans leur source et dans leur principe, qui est Dieu ; qui voit Aristote louer ces heureux moments où l’âme n’est possédée que de l’intelligence de la vérité, et juger une telle vie seule digne d’être éternelle, et d’être la vie de Dieu ; mais (surtout) qui voit les saints tellement ravis de ce divin exercice de connaître, d’aimer et de louer Dieu, qu’ils ne le quittent jamais, et qu’ils éteignent, pour le continuer durant tout le cours de leur vie, tous les désirs sensuels : qui voit, dis-je, toutes ces choses, reconnaît dans les opérations intellectuelles un principe et un exercice de vie éternellement heureuse. […] Il vient de nous peindre cette jouissance spirituelle du premier ordre, qui commence par Pythagore et par Archimède, qui passe par Aristote, et qui arrive et monte jusqu’aux saints : il semble lui-même, en l’envisageant dans ce suprême exemple, n’avoir fait que monter un degré de plus à l’autel.

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