Mais un mot d’abord sur l’origine antique et mystérieuse des belles et saintes idées que Socrate et Platon vont développer dans ce dialogue ; car rien ne vient de rien, et la philosophie grecque, qui devait bientôt, après Platon, servir d’ancêtre à la philosophie des écoles chrétiennes de Byzance et d’Alexandrie, avait certainement elle-même des ancêtres. […] Ce dialogue de Platon, le Phédon, est un jet de cette lumière venue de plus loin et répercutée sur l’âme d’un philosophe aussi saint que lumineux. […] Comme tous les fondateurs de nouveaux cultes, Socrate, fondateur du culte philosophique, cherchait à concilier, autant que possible, ce qu’il y avait d’innocent dans les antiques superstitions nationales avec ce qu’il y avait de vérité absolue et de piété sainte dans le nouveau dogme. […] La vérité, la liberté, la justice, la charité, la tempérance, la mortification des sens, le dévouement à ses semblables, le désir de la mort pour revivre plus saint ; le sacrifice de soi-même, jusqu’au sang, à Dieu ; la joie dans le supplice volontaire, la foi dans la résurrection, voilà les victoires de l’âme. […] Car, s’il y a quelque chose de surhumain dans l’humanité, ce n’est pas la mort d’un Dieu, sûr de revivre parce qu’il se sent Dieu même en mourant : c’est la mort d’un homme qui ne se sent qu’homme, mais en qui la raison, exercée pendant une longue vie de lutte avec son corps, triomphe de la nature et ressuscite en esprit avant qu’il soit mort, par la sainte évidence de sa foi !