Ce sentiment, à l’éclosion duquel nous allons assister, est né presque en même temps que la conversation : il en est contemporain, bien qu’il en soit distinct ; elle y prépare, elle y dispose : il est le culte solitaire, le choix réfléchi, sérieux, exalté, d’une seule admiration entre toutes celles que les entretiens polis mettent en commun et agitent à plaisir. […] La princesse palatine, Elisabeth, avait donné l’exemple, la première, de ces nobles et sérieux attachements à un maître de génie envers qui l’amitié devient un culte. […] Ce sont là de ces choses qui font que l’on se sent poète. » Il n’est rien tel en effet que de semblables aveux pour faire sentir dans sa douceur, sa vérité et son sérieux plein de charme, l’heureuse puissance du talent ou du génie, sa vertu d’influence continue et son triomphe invisible. […] À mon retour ici, je l’ai trouvé plus sérieux ; les soins qu’il rend à sa mère m’ont mis dans le cas de le voir peu, et presque toujours avec du monde. […] Et pour apprécier encore plus à son prix le caractère de cette belle consultation morale, relisez, je vous en prie, dans les Mémoires de Mme d’Épinay, les pages toutes légères de ton et toutes railleuses où il est parlé de cette même relation de Mme de Verdelin et de Margency : le contraste avec l’accent de Rousseau est frappant ; on comprendra mieux, au sortir de cette double lecture, le sérieux, la dignité et l’élévation qu’il sut rendre aux choses du cœur et de la vie.