Chaque fois que j’ai rencontré un homme, comme on en rencontre beaucoup, dont La Fontaine est le catéchisme et dont Horace est le manuel, je me suis défié et éloigné de cet homme ; je me suis dit : Ou cet homme n’a pas assez de sérieux dans l’esprit pour comprendre que l’agrément n’est pas le fond de la vie, ou cet homme n’a pas assez d’aversion pour ce qui est moralement dépravé dans l’art des lettres. […] Ce sont les chaînes douces de la vie ; il ne voulut pas même porter le poids d’une tendresse sérieuse ou d’une famille à élever. […] C’est l’époque où il aima d’un amour plus sérieux la belle Syrienne Néère, à peine arrivée à Rome et encore naïve comme l’innocence, jetée au milieu des embûches de la corruption. […] Après avoir épuisé à Rome ce goût immoral et immodéré des courtisanes, nous verrons bientôt dans ses odes qu’il avait cherché à s’attacher par un lien plus durable une jeune et belle esclave affranchie, digne d’un attachement sérieux. […] Le mot qui résume le mieux le nom d’Horace est amabilité ; il n’est pas grand, il n’est pas sublime, il n’est pas passionné, il n’est pas sérieux, il est même rarement tendre, mais il est aimable ; et la postérité, qui le récompense à bon droit de lui plaire, l’admettra à jamais au premier rang des hommes de bonne compagnie.