Nous repousserons la Terreur qui t’opprima, comme le royalisme qui te proscrivit, et nous maintiendrons cette Constitution de l’an iii, qui fut le constant objet de ton dévouement, de tes vœux, de tes espérances ; nous saurons, à ton exemple, résister aux factions, braver les périls, et ne connaître sur la terre d’autres puissances irrésistibles que celles devant qui seulement a pu fléchir ton âme républicaine : la loi, la vertu, la nécessité et la mort. » Daunou me paraît représenter très-bien l’éloquence d’alors, celle de l’an in dans son meilleur ton, caractère romain, style latin (conciones), marche un peu lourde, très-grave du moins, ferme, nombreuse, un rare éclat, mais qui frappe d’autant plus, un air stoïque : des Latins, si l’on veut, qui ont eu leur Condillac, mais qui sont d’un bon siècle encore. […] La seule conclusion que je veuille tirer de pareils traits d’originalité naïve, c’est que, même en ces années de familiarité et de liberté, où il jouait un grand personnage public et où il voyait le plus de monde ; même quand il était le parrain désigné de toutes les Constitutions, filles de celles de l’an III, quand il allait par delà les monts, en qualité de commissaire, organiser la république romaine et y rétablir les comices et les consuls, Daunou n’aurait point mérité qu’on dit de lui, comme d’Ulysse, qu’il était un grand visiteur d’hommes. […] Mais qu’un écrivain, un philosophe, un bienfaiteur incontestable des hommes se présente, que ce soit Confucius, Cicéron, Tacite ou Montesquieu, le narrateur ralentit sa marche et s’incline, son accent s’élève ; ainsi, après les plus dignes hommages décernés au talent de Cicéron, il ajoutera ces paroles éloquentes : « Les juges sévères, qui penseraient que son courage n’a pas toujours égalé ses périls, le compteraient du moins au nombre des derniers amis de la liberté romaine.