Au Caire, il a le cœur tout gros de fâcheuses réflexions en visitant le marché à esclaves, cet odieux marché, dit-il, « où de petits négrillons mâles et femelles sont par paquets rassemblés sur un mauvais carré de toile comme des pommes à cinq pour un sou, sans compter les hommes et les femmes de toutes couleurs qu’on tient dans des trous tout autour de cet infâme lieu, où, comme des rois, d’infâmes voleurs trafiquent de la chair humaine. » Mais, au sortir de là, c’est bien pis quand il entre dans la mosquée des fous, dont il décrit le spectacle horrible : « Figure-toi une cour de quarante pieds carrés, environnée de murailles prodigieuses de hauteur, qui laissent à peine entrer le jour ; dans l’angle, une petite porte de trois pieds de haut, barricadée de chaînes à travers lesquelles on passe avec peine. […] Il y en a de singuliers, entre autres celui qui s’est opéré en faveur de notre roi parmi la noblesse, ce qui explique peut-être la mauvaise humeur de l’empereur. […] L’empereur eut, à celle occasion, des paroles de sensibilité pour le roi et le père malheureux, et il autorisa Horace Vernet à les redire25. […] « Voilà encore, me dit l’empereur, votre malheureux roi éprouvé par un coup plus terrible que tous ceux qu’on a tirés sur lui. […] Je me sais bon gré de ma retenue pendant mon voyage et de n’avoir pas tout dit, car véritablement, d’après ce qui se fait ici par ordre supérieur, je crois que notre bon roi a voulu se ficher de moi en me chargeant de belles paroles ; car je ne puis douter que, d’un autre coté, il n’agisse autrement… » Évidemment, de part et d’autre, on l’avait chargé de simples politesses ; on ne l’avait pas pris très au sérieux comme ambassadeur.