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208. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Ce chansonnier devait réunir en lui, pour porter coup dans tous les rangs de la société française, l’élégance attique qui se fait entendre à demi-mot à l’homme lettré, l’accent martial qui fait frissonner le soldat, la bonhomie cordiale qui fait larmoyer dans son rire le bon et rude peuple des champs. […] Il cherche d’un regard malin le défaut de cuirasse de ses ennemis, les rois, les Bourbons, les nobles, les prêtres, pour lancer sa flèche au point vulnérable et pour rire de la goutte de sang que le dard rapporte à l’arc avec lui. […] Il y avait une telle entente préétablie entre la multitude et son chansonnier qu’un seul geste de Béranger aurait été aussi communicatif qu’une de ses chansons, et que la France aurait ri ou frémi avec lui sur un signe du télégraphe ! […] C’est le peuple du rire ; il chante des noëls, et il a inventé le vaudeville, deux funestes augures pour qu’il chante jamais des stances héroïques ou des barcaroles sérieuses. […] Il fallait donc chansonner, eût-il envie de chanter ; eût-il même envie de pleurer, il fallait rire.

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