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1435. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Tragédie, comédie, pamphlet, politique, musique, histoire, agriculture, larmes, rires, tout cela peut et doit se succéder dans un roman : le mélange de la prose et des vers eût, partout ailleurs, scandalisé Boileau ; mais du moment que la Psyché de la Fontaine était un roman… Dire pourquoi ce genre inférieur l’a emporté au xixe  siècle sur les genres classiques, pourquoi le roman a débordé sur toute la prose ainsi que le lyrisme sur la poésie, ce serait s’engager dans des pages et des pages d’histoire littéraire. […] Elle était entourée de quelques assistantes, consœurs en Sainte-Catherine, qui se mirent à rire, et leur chef me déclara : « Je vais vous donner un livre de Jules Verne, mais si c’était un roman je ne vous le donnerais pas. » Telle une cigarette en chocolat n’est pas une cigarette. […] Il cite même à ce sujet un curieux texte de Rousseau lui-même dans la Lettre à d’Alembert : « Les anciens avaient en général un très grand respect pour les femmes, mais ils marquaient ce respect en s’abstenant de les exposer au jugement public, et croyaient honorer leur modestie en se taisant sur leurs autres vertus… Dans leurs comédies, les rôles d’amoureuses et de filles à marier ne représentaient jamais que des esclaves ou des filles publiques (comme les Geishas au Japon)… Depuis que des foules de barbares, traînant avec eux leurs femmes dans leur armée, eurent inondé l’Europe, la licence des camps jointe à la froideur naturelle des climats septentrionaux qui rend la réserve moins nécessaire, introduisit une autre manière de vivre, que favorisèrent les romans de chevalerie… C’est ainsi que la modestie naturelle au sexe est peu à peu disparue et que les mœurs des vivandières se sont transmises aux femmes de qualité. » Le rôle que le bon Rousseau attribue ici aux invasions des barbares et à la licence des camps nous ferait rire si nous ne songions que c’est bien dans de tels laboratoires ou dans leurs vapeurs que se sont en effet formées les modes physiques et morales du Directoire et de 1920. […] On égaye facilement toute une salle par le spectacle d’un monsieur qui a la colique, mais il est entendu que les autres maladies en elles-mêmes ne sont pas plaisantes : il était réservé à Huysmans de reculer ces limites et de faire rire, mais à ses dépens, toute une génération, des dyspepsies que Folantin-Durtal conduit du picolo à l’eau bénite et de l’escalope au Saint-Sacrement.

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