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342. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

C’est avec ce riche fonds d’idées et de lumières que tant de grands seigneurs jugent et décrient ce qu’ils devraient respecter. […] Je m’écarte en cela d’autant moins de mon sujet, qu’étant aujourd’hui bien reçus partout, principalement lorsqu’ils sont riches et d’un grand nom, ils forment dans le monde comme une classe particulière qui mérite d’être observée, et dont les gens de lettres cherchent aussi à tirer parti pour cette réputation qu’ils ont si fort à cœur. […] Il est si vrai que la considération tient beaucoup plus à l’état qu’aux talents, que de deux hommes de lettres même, celui qui est le plus sot et le plus riche est ordinairement celui à qui on marque le plus d’égards. […] Parmi les différents Mécènes de notre siècle, il s’en trouve quelquefois qui s’étant enrichis par les lettres, prennent sous leur protection d’autres hommes de lettres moins riches et plus éclairés qu’eux. […] Ils paraissent persuadés qu’eux seuls méritent d’être riches ; et dans le temps même où ils se plaignent de leur indigence au milieu d’un bien très honnête, parlez-leur d’un homme de lettres qui possède à peine le nécessaire, ils ne manquent pas de le trouver fort à son aise.

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