A côté des chroniqueurs et des historiens purement narrateurs, il y a eu sans doute des historiens éloquents ou profonds à la manière de Thucydide, comme Machiavel et Guichardin ; mais entre les mains des uns comme des autres, l’histoire est restée un genre littéraire, la représentation toute personnelle et toute dramatique des événements. […] Si cette science nouvelle en est restée avec Vico à des vues fort incomplètes, comme par exemple la loi des ricorsi, qui fait tourner l’humanité dans un même cercle, au lieu d’en montrer le développement progressif à travers la série de cercles analogues qu’elle parcourt, c’est que son érudition n’est encore ni assez étendue ni assez exacte. […] Ces hommes qui se provoquent et s’accusent, qui s’étreignent au pied de l’échafaud, n’ont rien des héros de Plutarque ; ils ne conservent, dans leur éloquence passionnée ou dans leur action furieuse, que tout juste ce qu’il faut de conscience et de volonté pour rester responsables devant la postérité. […] Ainsi, on a pu trouver que ce dernier écrivain professe une admiration excessive pour tels acteurs du drame révolutionnaire qu’il identifie presque avec les idées d’égalité et de fraternité qui lui sont chères à juste titre ; mais qui l’accusera de professer le culte du succès, quand on le voit rester si fidèle aux causes vaincues ? […] Le vers de Lucain : Victrix causa diis placuit, sed victa Catoni, restera éternellement vrai, parce qu’il est au fond l’expression de l’antithèse de la nécessité et de la conscience.