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9. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Et le cadet que voici se tut sur les mérites de cet aîné, plus beau que lui, mais auquel il ressemble. Il trouva peut-être qu’il lui ressemblait trop pour en parler, et il fut modeste pour deux. […] Mais Joubert était bien, je crois, inspecteur de l’Université, et tous deux ils traînèrent péniblement ces haquets affreux, eux, ces hommes faits pour ne rien faire du tout, si ce n’est de regarder dans leur âme ou dans les ciels de Naples ; eux, ces indolents lazzaroni de la rêverie ou de la pensée, qui ressemblent au beau moissonneur appuyé sur le timon du char rustique, dans le tableau de Léopold Robert, quand tous les autres dansent et s’agitent à l’entour. […] Quoiqu’il ressemble à Joubert par l’accent, le coloris, le platonisme, et ce que je me permettrai d’appeler : la sensualité de l’immatériel, Joubert a une autre religion littéraire et d’autres assises dans la pensée que ce capricieux Doudan, qui s’amuse à sauter, avec tant de grâce, à travers tous les cerceaux du paradoxe, et qui avait bien ses raisons pour résister à ses amis qui lui conseillaient de faire un livre. […] Ce sont eux qui, à l’heure qu’il est, publient les œuvres de l’homme qui, de nature, leur ressemblait si peu, et paient son convoi (croient-ils) pour l’immortalité.

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