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28. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Mais, si disposés que nous soyons à saluer et à honorer ce qui cesse, n’oublions jamais cette loi supérieure des choses : pas un individu n’est essentiel ici-bas, pas une génération n’est indispensable ; la nature est féconde, et après les pertes les plus senties, et les plus irréparables ce semble, tout reprend bientôt et tout recommence. En littérature, la tradition sans doute est chose délicate, et qui ne se renoue pas si aisément ; mais, outre que l’héritage de ces hommes célèbres est depuis longtemps déjà aux mains d’hommes instruits et habiles qui en savent le prix et le poids, je dirai que la grande tradition ne se continue jamais par les disciples, mais par de nouveaux maîtres qui, en paraissant, reprennent l’ensemble des faits et des idées par d’autres aspects, et qui se placent d’eux-mêmes sur des hauteurs qui font la chaîne. […] Cousin n’a-t-il pas exprimé, en causant, cette noble envie de reprendre tout simplement son cours, de se remettre en communication directe avec cette jeunesse qui ne le connaissait plus que par ses écrits, de la ramener sur bien des points où on l’égarait ! […] Si l’un ou l’autre des trois professeurs s’était décidé ensuite à reprendre son cours isolément et dans des circonstances si différentes, il lui aurait certes fallu, avant tout, faire un sacrifice d’amour-propre ; le mérite n’en eût été que plus grand, et bientôt le succès sérieux l’aurait payé. […] Il a du talent sur tout et à propos de tout ; soit qu’il reprenne pour la dixième fois ses Pères de l’Église et qu’il en découvre un encore auquel il n’avait point songé, soit qu’en parlant du concile de Nicée, il se ressouvienne un peu trop peut-être de la défunte Assemblée législative, soit surtout qu’il essaie, dans des morceaux d’une littérature exquise, de nous donner une flatteuse idée d’une histoire de l’Académie française pendant les deux derniers siècles, dans tous ces fragments qu’il ne tient qu’à lui de multiplier chaque matin avec fraîcheur, M. 

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