L’espace est un continu mathématique, il est infini, et nous ne pouvons nous représenter que des continus physiques et des objets finis. […] Cette forme existe-t-elle, ou, si l’on veut, pouvons-nous nous représenter l’espace à plus de trois dimensions ? […] Au vrai sens du mot, il est clair que nous ne pouvons nous représenter l’espace à quatre, ni l’espace à trois dimensions ; nous ne pouvons d’abord nous les représenter vides, et nous ne pouvons non plus nous représenter un objet ni dans l’espace à quatre, ni dans l’espace à trois dimensions : 1° parce que ces espaces sont l’un et l’autre infinis et que nous ne pourrions nous représenter une figure dans l’espace, c’est-à-dire la partie dans le tout, sans nous représenter le tout, et cela est impossible, puisque ce tout est infini ; 2° parce que ces espaces sont l’un et l’autre des continus mathématiques et que nous ne pouvons nous représenter que le continu physique ; 3° parce que ces espaces sont l’un et l’autre homogènes, et que les cadres où nous enfermons nos sensations, étant limités, ne peuvent être homogènes. […] Je ne puis comprendre non plus qu’on dise que l’idée de temps est postérieure logiquement à l’espace, parce que nous ne pouvons nous le représenter que sous la forme d’une droite ; autant dire que le temps est postérieur logiquement à la culture des prairies, parce qu’on se le représente généralement armé d’une faux. […] Ce que nous nous représentons sous le nom de droite est une image grossière qui ressemble aussi mal à la droite géométrique qu’au temps lui-même.