Il semble que la statue de Memnon, rendue musicale par un rayon de soleil, est la parfaite image du cœur humain, que la présence divine rend plus mélodieuse que le marbre. […] Un hasard me rendit témoin de cette scène nocturne du délire lyrique d’un pauvre toucheur de bœufs. […] Cette roche, semblable à un degré d’escalier colossal de trente coudées de hauteur, a été polie et rendue glissante comme le marbre, sans doute par la chute de quelques cascades que la terre a bues depuis plusieurs siècles. Pour la rendre un peu moins inaccessible aux bergers et aux journaliers qui veulent abréger le chemin d’Arcey au château, mon grand-père y avait fait complaisamment creuser au ciseau, par le tailleur de pierre, cinq ou six entailles en corniches, de la largeur d’une demi-main, pour que les paysans qui veulent la descendre ou la gravir pussent s’y cramponner avec les doigts ou y appuyer l’orteil sans crainte d’accident. […] Le nôtre reçut des circonstances où il jaillit un caractère particulier qui le rend à la fois plus solennel et plus sinistre : la gloire et le crime, la victoire et la mort semblent entrelacés dans ses refrains.