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491. (1842) Discours sur l’esprit positif

C’est ainsi qu’elle rend une scrupuleuse justice, non seulement aux divers systèmes de monothéisme autres que celui qui expire aujourd’hui parmi nous, mais aussi aux croyances polythéiques, ou même fétichiques, en les rapportant toujours aux phases correspondantes, de l’évolution fondamentale. Sous l’aspect dogmatique, elle professe d’ailleurs que les conceptions quelconques de notre imagination, quand leur nature les rend nécessairement inaccessibles à toute observation, ne sont pas plus susceptibles dès lors de négation que d’affirmation vraiment décisives. […] Leur antagonisme continue pourtant à les alimenter mutuellement, sans qu’aucun d’eux puisse davantage comporter une véritable désuétude qu’un triomphe décisif ; parce que notre situation intellectuelle les rend encore, indispensables pour représenter, d’une manière quelconque, les conditions simultanées, d’une part de l’ordre, d’une autre part du progrès, jusqu’à ce qu’une même philosophie puisse y satisfaire également, de manière à rendre enfin pareillement inutiles l’école rétrograde et l’école négative, dont chacune est surtout destinée aujourd’hui à empêcher l’entière prépondérance de l’autre. […] Non seulement, en effet, ce bon sens, si justement préconisé par Descartes et Bacon, doit aujourd’hui se trouver plus pur et plus énergique chez les classes inférieures, en vertu même de cet heureux défaut de culture scolastique qui les rend moins accessibles aux habitudes vagues on sophistiques. […] Si, en quelques cas exceptionnels d’extrême surcharge, cet obstacle continu semble, en effet, devoir empêcher tout essor mental, il est ordinairement compensé par ce caractère de sage imprévoyance qui, dans chaque intermittence naturelle des travaux obligés, rend à l’esprit une pleine disponibilité.

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