Un abbé, homme savant et homme d’esprit, l’abbé Gédoyn, le même qui a traduit Quintilien, et qui l’a d’autant mieux traduit qu’il avait été bien avec Ninon (avoir été bien avec Ninon, cela sert toujours), l’abbé Gédoyn, disons-nous, a traité cette question de l’urbanité, et il a terminé son agréable et docte mémoire par y joindre un éloge de Mme de Caylus, en remarquant que, de toutes les personnes qu’il avait connues, il n’en était aucune qui rendît d’une manière si vive ce qu’il concevait par ce mot d’urbanité. […] Puis, avec l’usage et le temps, il en vint à exprimer plus encore, et à ne pas signifier seulement une qualité du langage et de l’esprit, mais aussi une sorte de vertu et de qualité sociale et morale qui rend un homme aimable aux autres, qui embellit et assure le commerce de la vie. […] C’est ainsi qu’il faut entendre cet autre passage de l’éloge, où il est dit : « Dès qu’on avait fait connaissance avec elle, on quittait sans y penser ses maîtresses, parce qu’elles commençaient à plaire moins ; et il était difficile de vivre dans sa société sans devenir son ami et son amant. » Ces expressions vives du peintre platonique ne sont que pour mieux rendre cette joie de l’esprit et cette pure ivresse de la grâce qu’on ressentait insensiblement près d’elle. […] « Mme de Caylus est la plus jolie vieille que vous connaissiez ; elle a souvent ces belles couleurs que vous lui avez vues, et dans ces moments-là elle est aussi jolie qu’elle ait jamais été ; du reste, plus délicate que moi, ne s’habillant plus, presque toujours dans son lit, et menacée de maux bien considérables. » (Lettre de Mme de Maintenonà Mme des Ursins, 18 septembre 1713.) — J’ai regret de dire que, jeune encore, elle prit du tabac : « Pour le tabac, je n’en parle point, quoiqu’il me paraisse une horreur : je ne le puis même souffrir au joli nez de Mme de Caylus ; je veux croire que son directeur lui a ordonné d’en prendre pour la rendre moins aimable. » (Mme des Ursins à Mme de Maintenon, 22 février 1707.)