Mais la nature humaine est moins simple, l’histoire des nations est d’une formation plus dure et plus rebelle, le bien et le mal y sont moins aisés à démêler, à produire ou à corriger, que cette théorie ne le suppose ; et si fâcheux souvent qu’ils soient, si à charge ; qu’on les trouve pour les inconvénients dont ils font payer leurs qualités, on n’est pas, encore arrivé, dans notre Europe du moins, à rendre inutiles pour le gouvernement des États les grands caractères et les grands hommes. […] « Pour rendre ceci plus palpable, j’en ferai le syllogisme suivant : « Les qualités et le caractère seront la majeure ; « La conduite, la mineure ; « La fortune ou l’infortune, la conclusion. […] Le comte Gyllenbourg lut le portrait et le lui rendit, en l’accompagnant d’une douzaine de pages de réflexions, par lesquelles il tâchait de fortifier en elle tant l’élévation de l’âme et la fermeté que les autres qualités du cœur et de l’esprit : « Je lus et relus plusieurs fois son écrit, je m’en pénétrai, et me proposai bien sincèrement de suivre ses avis. […] Ensuite je rendis au comte Gyllenbourg son écrit, comme il m’en avait priée, et j’avoue qu’il a beaucoup servi à former et à fortifier la trempe de mon esprit et de mon âme. » Si nous suivons le parallèle des deux intelligences et des deux caractères si mal appareillés par le sort, quel contraste !