Je ne sais si c’est la tyrannie ou la liberté qui donna naissance à l’apologue ; je me borne à remarquer qu’on a goûté ce genre dans des pays et dans des temps fort divers, et que de toutes les conventions littéraires qu’on nomme genres, il n’en est aucune dont s’accommode un plus grand nombre d’esprits. […] Tout nous y plaît : la morale qui se confond avec notre propre expérience, en sorte que lire le fabuliste c’est ruminer ; l’art, dont nous sommes touchés jusqu’à la fin de notre vie, comme d’une vérité supérieure et immortelle ; les mœurs et les caractères des animaux, auxquels nous prenons le même plaisir qu’étant enfants, soit ressouvenir des imperfections des hommes, soit par cette ressemblance justement remarquée entre les goûts de la vieillesse et ceux de l’enfance. […] Quoique le poète nous occupe plus que l’homme dans La Fontaine, je ne résiste pas à faire remarquer combien il était Français par l’idée qu’il avait de son pays.