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494. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Avec quelle justesse n’a-t-il pas remarqué que, dans les dix premières années de ma vie de ministre et d’homme de cour à Weimar, je n’avais, autant dire, rien fait ; que c’est le désespoir qui m’a poussé en Italie ; que là, pris d’un nouveau désir de produire, je saisis l’histoire du Tasse pour me délivrer, en prenant comme sujet tous les souvenirs et toutes les impressions de la vie de Weimar, qui me fatiguaient encore de leur poids accablant ! […] Goethe l’eût écouté avec étonnement dans sa conversation pleine de verve, de saillies, de jets et d’efforts souvent heureux, de vues parfois lucides et perçantes ; mais en même temps il n’aurait pu s’empêcher de remarquer en lui que l’esprit français, pour faire ses nouvelles conquêtes, se donnait bien de la peine et tâchait beaucoup, qu’il y avait bien de l’inachevé, du heurté, du saccadé, un peu de crise de nerfs dans toute cette ambition généreuse, plus de commencements que de suites ; et lui, l’homme calme et supérieur, du haut de son approbation bienveillante il lui eût été difficile parfois de ne pas sourire. […] Il n’avait rien d’universitaire : ceci est à remarquer ; quoiqu’il eût été élevé dans les lycées et collèges, quoiqu’il eût pour M.  […] Nisard a oubliés dans une première édition, et il les a oubliés uniquement parce qu’ils n’étaient pas sur la grande route ; mais quand on lui a fait remarquer cet oubli, il n’a eu garde d’en convenir et de revenir. […] J’ai surtout remarqué deux hommes d’esprit de vos amis, Doudan et Molli, qui m’ont dit sur vous des choses fines et vraies qui m’ont fait plaisir, et dont le résumé est ceci : que depuis plusieurs années vous aviez singulièrement accru encore votre talent, et comme fond et comme forme, et ne cessiez de l’accroître.

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