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805. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Toutes ces émotions éparses ou réunies forment pour l’homme la poésie de la mer, elles finissent par donner au contemplateur le vertige de tant d’impressions, qu’il s’assoit sur le rivage élevé des mers, comme dit Homère, et qu’il demeure immobile et muet à regarder et à écouter les flots ; et s’il essaye, en présence d’un tel spectacle, de se parler à lui-même, il cherche involontairement une langue qui lui rappelle la grandeur, la profondeur, la mobilité, le sommeil, le réveil, la colère, le mugissement, la cadence de l’élément dont son âme, à force d’émotions montées de l’abîme à ses sens, contracte un moment l’infini. […] Dur, colère jusqu’aux emportements contre les choses inanimées, incapable de souffrir la moindre contradiction, opiniâtre à l’excès, passionné pour tous les plaisirs, la bonne chère, la chasse, la musique, le jeu, où il ne pouvait supporter d’être vaincu ; il ne regardait les hommes que comme des atomes, avec qui il n’avait aucune ressemblance, quels qu’ils fussent. […] Il ne tarda pas à captiver la cour tout entière, à l’exception des envieux et du roi, qui avait contre le génie les préventions du plus simple bon sens, et qui n’aimait pas qu’on regardât trop un autre homme que lui dans sa cour.

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