Ainsi le procédé qui consiste à éveiller par des tableaux pittoresques ou pathétiques toutes les vagues religiosités endormies dans nos âmes, à escompter rapidement ces émotions au profit du catholicisme, avant qu’on ait eu le temps de se reconnaître, ce procédé, au point de vue pratique, s’est trouvé souverain : il répondait exactement au besoin en ne visant qu’à créer de nouvelles associations dans les âmes. […] Il reconnaît des chrétiennes dans l’Andromaque et dans l’Iphigénie de Racine. […] Tirer la conclusion définitive de la querelle des anciens et des modernes, montrer qu’à l’art moderne il faut une inspiration moderne (Chateaubriand disait chrétienne), ne pas mépriser l’antiquité, mais, en dehors d’elle, reconnaître les beautés des littératures italienne, anglaise, allemande, écarter les anciennes règles qui ne sont plus que mécanisme et chicane, et juger des œuvres par la vérité de l’expression et l’intensité de l’impression, mettre le christianisme à sa place comme une riche source de poésie et de pittoresque, et détruire le préjugé classique que Boileau a consacré avec le christianisme, rétablir le moyen âge. l’art gothique, l’histoire de France, classer la Bible parmi les chefs-d’œuvre littéraires de l’humanité, rejeter la mythologie comme rapetissant la nature, et découvrir une nature plus grande, plus pathétique, plus belle, dans cette immensité débarrassée des petites personnes divines qui y allaient, venaient, et tracassaient, faire de la représentation de cette nature un des principaux objets de l’art, et l’autre de l’expression des plus intimes émotions de l’âme, ramener partout le travail littéraire à la création artistique, et lui assigner toujours pour fin la manifestation ou l’invention du beau, ouvrir en passant toutes les sources du lyrisme comme du naturalisme, et mettre d’un coup la littérature dans la voie dont elle n’atteindra pas le bout en un siècle : voilà, pêle-mêle et sommairement, quelques-unes des divinations supérieures qui placent ce livre à côté de l’étude de Mme de Staël sur l’Allemagne. […] Chateaubriand a reconnu lui-même que son merveilleux était manqué : son ciel et ses enfers, ses démons et ses anges sont d’insupportables machines.