/ 2696
416. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Au milieu des hurlements horribles et du fracas de l’enfer, au milieu des éclats de rire des démons, j’ai reconnu sa voix si douce, si aimante. […] Elle me remercia avec des transports de joie et s’écria : “Celui qui est heureux ne croit pas qu’il puisse y avoir encore des miracles, mais c’est dans l’angoisse du malheur qu’on reconnaît comment le doigt de Dieu conduit les bons cœurs à une bonne action. […] Cet instinct, qui faisait ainsi reconnaître au duc de Weimar le plus grand homme de l’Allemagne dans un jeune écrivain à peine entrevu par une première ébauche de génie, témoigne d’une sorte de divination dans le prince. […] Quant à lui, il était ce qu’on est convenu d’appeler très improprement panthéiste, c’est-à-dire ne séparant pas en deux la création et la créature, et adorant la nature entière comme la divinité des choses sans s’élever à la divinité de l’esprit ; philosophes pour ainsi dire brutaux et fatalistes dans leur croyance, qui reconnaissent bien en Dieu la force latente de tous les phénomènes visibles ou invisibles, mais qui n’y reconnaissent pas l’individualité et la suprême intelligence, c’est-à-dire ce qui constitue l’être, refusant ainsi à l’Être des êtres ce qu’ils sont forcés d’accorder au dernier insecte de la nature. […] Sa foi se serait plus justement appelée polythéisme que panthéisme, c’est-à-dire qu’il reconnaissait et qu’il adorait la Divinité dans toutes ses œuvres sans la confondre avec ses œuvres : sorte de paganisme sans idolâtrie, qui adorait la puissance divine dans la puissance matérielle des éléments, mais qui dans l’élément adorait l’impulsion divine et non l’élément lui-même.

/ 2696