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415. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Le ressort et la direction venaient d’ailleurs ; la croyance et l’obéissance étaient des héritages ; un homme était chrétien et sujet parce qu’il était né chrétien et sujet  Autour de la philosophie naissante et de la raison qui entreprend son grand examen, il y a des lois observées, un pouvoir reconnu, une religion régnante ; dans cet édifice, toutes les pierres se tiennent, et chaque étage s’appuie sur le précédent. […] Car alors, au lieu de voir en elle une usurpatrice qu’il fallait expulser, elle eût reconnu en elle une sœur aînée à qui l’on doit laisser sa part. […] Ne pas manger de chair humaine, ne pas tuer les vieillards inutiles ou incommodes, ne pas exposer, vendre ou tuer les enfants dont on n’a que faire, être le seul mari d’une seule femme, avoir horreur de l’inceste et des mœurs contre nature, être le propriétaire unique et reconnu d’un champ distinct, écouter les voix supérieures de la pudeur, de l’humanité, de l’honneur, de la conscience, toutes ces pratiques, jadis inconnues et lentement établies, composent la civilisation des âmes. […] Pour combattre le préjugé héréditaire, on lui en oppose d’autres dont l’empire est aussi étendu et dont l’autorité n’est pas moins reconnue. […] Elle est le mal dans l’espèce humaine, et, quand le mal sera supprimé, il ne restera plus que du bien. « Il arrivera donc ce moment424 où le soleil n’éclairera plus sur la terre que des hommes libres, ne reconnaissant pour maîtres que leur raison ; où les tyrans et les esclaves, les prêtres et leurs stupides ou hypocrites instruments n’existeront plus que dans l’histoire et sur les théâtres ; où l’on ne s’en occupera plus que pour plaindre leurs victimes et leurs dupes, pour s’entretenir par l’horreur de leurs excès dans une utile vigilance, pour savoir reconnaître et étouffer sous le poids de la raison les premiers germes de la superstition et de la tyrannie, si jamais ils osaient reparaître. » — Le millénium va s’ouvrir, et c’est encore la raison qui doit le construire.

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