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252. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Voici, par exemple, l’idée d’une Pyramide qu’on proposait d’élever au prélat dans la cour même de l’archevêché, avec une inscription dont je ne donne que les lignes principales : À l’unique et l’incomparable seigneur Messire François de Champvallon, archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud ; Proviseur des collèges de La Marche et de Sorbonne ; Fondateur du Saint-Bourbier47 ; Visiteur de l’île Notre-Dame48 ; Damoiseau de Conflans49 ; Toujours jeune, toujours souriant, de qui l’on voit le mérite dès qu’on arrive dans son antichambre ; si patient qu’au milieu de cette ville on l’a volé, sans qu’il s’en soit plaint50 ; si vigilant qu’à deux heures après minuit on l’a trouvé dans les rues ; si obligeant qu’il accorde toutes les dispenses qu’on veut ; Le Tout-Puissant ; L’Infaillible ; de qui l’on n’appelle point ; qu’on ne peut déposer ; Grand maître des lettres de cachet ; Arrondisseur de la Couronne ; Intrépide amplificateur de la Régale ; Président perpétuel des Assemblées Du Clergé ; Souverain dominateur de L’Église gallicane ; plus aimable que M. de Pierrepont ; Plus diligent que feu M. le Maréchal De La Meilleraye51 ; dont la sacrée pantoufle est à Andelys, et le cordon d’or à Pontoise52 ; que sa dignité a fait recevoir dans L’Académie ; qui parle comme il écrit et qui écrit Comme il parle ; prélat des plus qualifiés ; prélat Harlay-Quint. […] Le triomphe si bien ménagé de M. de Harlay en cette circonstance achève de nous le montrer dans tout son beau, j’allais dire dans tout son plein ; et, après tant de témoignages déjà produits, je ne saurais mieux le définir encore qu’avec les excellentes paroles de d’Olivet, qui cette fois (chose unique dans sa vie de grammairien et d’écrivain correct) a eu un ou deux traits de pinceau : « Personne ne reçut de la nature un plus merveilleux talent pour l’éloquence. […] Dans l’Assemblée du Clergé de 1682, le prélat avait également déployé avec une supériorité incomparable toutes ses qualités de président, et il avait mérité d’être ainsi défini dans ce dernier rôle par un des évêques témoins et admirateurs, M. de Cosnac, lequel savait d’ailleurs saisir le fort et le faible des gens : « Sa civilité et sa conversation étaient charmantes et auraient été pourtant mieux reçues, si elles n’eussent pas été également répandues à tous ceux qui le voyaient. […] Quoi qu’il en soit du mobile, il fut le principal auteur et acteur dans cette élévation d’un cran et cet anoblissement définitif de la Compagnie ; il obtint que l’Académie eût désormais ses séances dans une salle du Louvre et fût considérée comme un des ornements ou accessoires du trône ; il usa de tout son crédit pour la faire valoir en toute occasion et la maintenir dans l’intégrité de son privilège ; et un jour qu’allant complimenter le roi elle n’avait pas été reçue avec tous les honneurs rendus aux Cours supérieures, il s’en plaignit directement à Sa Majesté, en rappelant « que François Ier, lorsqu’on lui présentait pour la première fois un homme de Lettres, faisait trois pas au-devant de lui. » La querelle engagée entre l’Académie et Furetière intéressait au plus haut degré l’honneur de la Compagnie : « car c’est grand pitié, comme remarque très sensément Legendre, quand des personnes d’un même corps s’acharnent les uns contre les autres, et qu’au lieu de se respecter et de bien vivre ensemble comme doivent faire d’honnêtes gens, elles en viennent à se reprocher ce que l’honneur de la Compagnie et le leur en particulier aurait dû leur faire oublier. » Il s’agissait, au fond, de l’affaire importante de l’Académie, le Dictionnaire, et de savoir si un académicien avait le droit d’en faire un, tandis que l’Académie n’avait pas encore publié le sien. […] Cette mort subite, sans qu’il ait eu le temps de recevoir les sacrements, ce brusque appel au tribunal d’en haut, fit alors un effet terrible.

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