L’ancien oratorien et prêtre, l’homme d’étude et l’écrivain en lui, sauf de rares moments, sont toujours venus prendre en biais et tenir en arrêt l’homme politique. […] Nous repousserons la Terreur qui t’opprima, comme le royalisme qui te proscrivit, et nous maintiendrons cette Constitution de l’an iii, qui fut le constant objet de ton dévouement, de tes vœux, de tes espérances ; nous saurons, à ton exemple, résister aux factions, braver les périls, et ne connaître sur la terre d’autres puissances irrésistibles que celles devant qui seulement a pu fléchir ton âme républicaine : la loi, la vertu, la nécessité et la mort. » Daunou me paraît représenter très-bien l’éloquence d’alors, celle de l’an in dans son meilleur ton, caractère romain, style latin (conciones), marche un peu lourde, très-grave du moins, ferme, nombreuse, un rare éclat, mais qui frappe d’autant plus, un air stoïque : des Latins, si l’on veut, qui ont eu leur Condillac, mais qui sont d’un bon siècle encore. […] On y admire, à la réflexion, la rare puissance qu’il a fallu pour rassembler, pour coordonner et maintenir tant de faits et de rapports divers si prudemment et si nettement exprimés, sans que la plume ou le compas (je ne sais comment dire) ait dévié ni fléchi un seul instant durant tout ce long travail. […] Daunou.retrouvait, à de rares moments, des éclairs de gaieté qui faisaient plaisir à voir, et on a pu l’entendre, après certains dîners où les vieux souvenirs étaient en jeu, se mettant tout d’un coup à fredonner quelque chansonnette de son jeune temps. Tel qu’il vient de s’offrir et que chacun peut désormais le considérer avec nous, c’était un homme rare, non-seulement distingué, mais unique en son genre, un de ces hommes qu’il faut connaître pour recevoir la tradition, et qui pourtant avait son cachet à part entre tous.les autres individus réputés comme lui du xviiie siècle ; c’était un caractère, une nature originale par son ensemble, médaille d’un autre âge conservée tout entière dans le nôtre, et où pas une ligne n’était effacée.