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526. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Il ne peut jamais s’abandonner à aucun de ses mouvements, car il est rare que la nature soit un bon guide dans la route de la politique ; et par un contraste cruel, cette passion, assez violente pour vaincre tous les obstacles, condamne à la réserve continuelle qu’exige la contrainte de soi-même ; il faut qu’elle agisse avec une égale force pour exciter et pour retenir. […] Ce dernier sentiment est presque aussi rare que le génie, et presque jamais il n’est séparé des grands talents qui font son excuse ; comme si la Providence, dans sa bonté, n’avait pas voulu qu’une telle passion put être unie à l’impossibilité de la satisfaire, de peur que l’âme n’en fut dévorée : mais l’ambition au contraire est à la portée de la majorité des esprits, et ce serait plutôt la supériorité que la médiocrité qui en éloignerait ; il y a d’ailleurs une sorte de réflexion philosophique, qui pourrait faire illusion aux penseurs mêmes sur les avantages de l’ambition, c’est que le pouvoir est la moins malheureuse de toutes les relations qu’on peut entretenir avec un grand nombre d’hommes.

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