Car d’un côté vous avez eu sous les yeux les objets les plus singuliers, vous en avez reçu les impressions les plus neuves, les plus rares, les plus aiguës ; et d’autre part vous avez éprouvé les sentiments les plus naturels, les plus largement humains, les plus accessibles à tous. […] Il sera un des rares hommes qui auront habité toute une planète : moi, je mourrai n’ayant habité qu’une ville, tout au plus une province. […] Combien d’hommes ont eu des impressions rares et des visions originales, dont nous ne saurons jamais rien, parce qu’ils étaient impuissants à les traduire par des mots ! […] Et c’est pourquoi, quand le quêteur d’exotisme et d’impressions rares s’arrêtera au pays de France, il ne pourra que nous raconter des idylles, plus poignantes sans doute, mais aussi peu compliquées que Paul et Virginie, Graziella ou même l’épisode de Nausicaa dans l’exquise Odyssée. […] C’est encore un effet de l’exotisme, qu’ayant visité le monde, vous revoyiez votre pays et les objets connus avec des yeux vierges et tout neufs et avec la même fraîcheur d’impression, le même étonnement que vous avez vu le Congo ou Tahiti… Mais Mon frère Yves et Pêcheur d’islande sont deux romans dont la simplicité exigerait, pour être analysée et définie, un trop difficile effort, et je n’ai voulu que montrer comment les trois premiers romans de Loti, ces œuvres rares, préparaient ces deux chefs-d’œuvre.