Je sais que les points de vue changent et se déplacent ; qu’en avançant dans la marche, et d’étape en étape, de nouvelles perspectives s’ouvrent vers le passé et y jettent des lumières parfois imprévues ; que si, dans les œuvres déjà anciennes, de certains aspects s’obscurcissent et disparaissent, d’autres se détachent mieux et s’éclairent ; que des rapports plus généraux s’établissent, et que, dans la série des monuments de l’art, il y a un juste lointain qui non seulement n’est pas défavorable, mais qui sert à mieux donner les proportions et la mesure. […] Il ne se borne pas à reconnaître des rapports et des harmonies, il voit des causes directes et des effets. […] Il en est de même pour les hommes et pour les esprits qui vivent dans le même siècle, c’est-à-dire sous un même climat moral : on peut bien, lorsqu’on les étudie un à un, montrer tous les rapports qu’ils ont avec ce temps où ils sont nés et où ils ont vécu ; mais jamais, si l’on ne connaissait que l’époque seule, et même la connût-on à fond dans ses principaux caractères, on n’en pourrait conclure à l’avance qu’elle a dû donner naissance à telle ou telle nature d’individus, à telles ou telles formes de talents.