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1104. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

La gloire de Bossuet est devenue l’une des religions de la France ; on la reconnaît, on la proclame, on s’honore soi-même en y apportant chaque jour un nouveau tribut, en lui trouvant de nouvelles raisons d’être et de s’accroître ; on ne la discute plus. […] Ce qu’il y a de singulier pourtant dans cette fortune et cette sorte d’apothéose de Bossuet, c’est qu’il devient ainsi de plus en plus grand pour nous sans, pour cela, qu’on lui donne nécessairement raison dans certaines controverses des plus importantes où il a été engagé. […] Mais moralement il retrouve ses avantages ; il s’efforce à tout moment de rendre son commentaire utile en l’appliquant à notre temps, à nous-mêmes, aux vices de la société et à la maladie de nos cœurs : « Bossuet est surtout l’homme de l’âge où nous sommes », pense-t-il ; et il en donne les raisons, qui sont plutôt de sa part d’honorables désirs que des faits manifestes et concluants pour tous. […] Il montre ce Sauveur qui cherche avant tout la misère et la compassion, évitant de prendre la nature angélique qui l’en eût dispensé, sautant par-dessus en quelque sorte, et s’attachant à poursuivre, à appréhender la misérable nature humaine, précisément parce qu’elle est misérable, s’y attachant et courant après quoiqu’elle s’enfuît de lui, quoiqu’elle répugnât à être revêtue par lui ; voulant pour lui-même une vraie chair, un vrai sang humain, avec les qualités et les faiblesses du nôtre, et cela par quelle raison ?

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