La fille de notre roi, lui racontent-ils, accusée justement ou injustement d’un commerce clandestin avec un étranger, est condamnée par la loi sévère du pays à mourir, à moins que, dans l’espace d’un mois entre le crime et le supplice, un chevalier secourable et vainqueur ne vienne, les armes à la main, prendre sa défense et faire mentir son accusateur. […] Interrogée par Renaud, elle lui raconte par quelle série de trahisons elle allait périr, sans lui, sous les coups de ces assassins. […] Un mendiant vint huit jours après raconter à Ginevra qu’il l’avait vu se jeter volontairement dans la mer du haut d’un écueil du rivage. […] « Ta fille est seule coupable de la mort de mon frère, dit-il un jour au roi, devant toute la cour ; la preuve de son impudicité, qu’il a vue de ses propres yeux, lui a transpercé le cœur, lui qui aimait Ginevra plus qu’on aime la vie. » Alors il raconta la scène nocturne et trompeuse du balcon. […] La magnifique invention du sujet, qui appartient tout à l’Arioste, a donné à cette tragédie de Voltaire un effet théâtral immense : mais Voltaire fait déclamer pompeusement la passion dans sa tragédie, et Arioste la fait chanter, raconter et pleurer comme la nature ; il n’y a pas un homme de goût, dans aucun pays, qui puisse comparer de bonne foi les vers sonores et faibles de la tragédie avec les stances simples et pleines du poème.