Mais, excusez-moi, le reste est si triste, qu’une pauvre femme comme moi ne pourrait plus vous le raconter sans pleurer. Si vous en voulez savoir plus long, il faut que l’aveugle vous le raconte à son tour, ou bien Fior d’Aliza elle-même, car, pour ce qui concerne la justice qui vint se mêler de nos affaires et nous ruiner, Antonio comprend cela mieux que moi ; et, pour ce qui concerne l’amour avec son cousin Hyeronimo, rapportez-vous-en à la jeune sposa ; c’est son affaire à elle, et je ne crois pas que, de notre temps, on s’aimât comme ils se sont aimés… — Et comme ils s’aiment, dit, en reprenant sa belle-sœur, l’aveugle… — Et comme ils s’aimeront, murmura tout bas entre ses dents la fiancée. Chapitre IV LXXIX L’aveugle, après avoir bu une goutte de mon rosoglio dans ma gourde, reprit le récit juste où la veuve l’avait interrompu …………………………………………………………………………………………………………………………………………… — Quand Hyeronimo remonta de Lucques le soir, bien avant dans la nuit, à la cabane, il nous raconta que les messieurs de Lucques avaient été pleins d’honnêteté et de caresses pour lui pendant tout le chemin, qu’ils s’étaient arrêtés dans toutes les osteries des gros villages qu’ils avaient rencontrés pour s’y rafraîchir d’un verre de vin, d’une grappe de raisin, d’un morceau de caccia-cavallo, sorte de fromage dur et brillant, comme un caillou du Cerchio, et que partout on l’avait forcé de se mettre à table avec eux et de boire comme un homme, jusqu’à ce que les yeux lui tournassent dans la tête et la langue dans la bouche, comme pour le faire babiller à plaisir sur Fior d’Aliza, sa cousine ; sur Léna, sa tante ; sur l’aveugle et sur sa famille. […] Ma belle-sœur rentra triste et pensive à la maison ; elle me raconta l’air et les propos de l’avocat.