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409. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Il y a dans le monde des brins d’herbe et des arbres, parmi les algues, parmi les nénuphars, parmi les palmiers, dans tout ce qui est, dans tout ce qui respire, dans tout ce qui s’épanouit sous le soleil, dans toute plante, dans tout métal, dans tout animal, il y a des amours, des antipathies, des passions, des affinités, en un mot, qui méritent qu’on les raconte et qui sont faites pour nous surprendre. […] Il vous racontera les histoires imposantes des mondes planétaires, il vous décrira en phrases magnifiques le déchirement de la voie lactée ; il vous dira les aventures des étoiles disparues et les destinées des étoiles qui doivent apparaître, il vous montrera les splendeurs des végétations tropicales, il vous fera gravir les Cordillères les plus hautes, les Chimborazo les plus élevés, et vous décrira les flores singulières qui vont se dégradant et s’amoindrissant depuis le palmier jusqu’au lichen ; comme un Moïse nouveau, il ouvrira les océans devant vous et vous conduira jusque dans ces forêts de fucus crespelés où les polypiers industrieux travaillent incessamment à combler les détroits et à rapprocher les continents. […] Comme la science, l’industrie a bien des splendeurs qui méritent d’être racontées. […] La puissance de ces rois des rois, de ces pasteurs des hommes, ferait rire de pitié le prince de Monaco lui-même ; tout cela est fané, usé, rapetassé ; il faut le savoir, mais ne plus le raconter. […] Horace s’est-il amoindri pour avoir raconté ce qu’il voyait chaque jour ?

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