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495. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Je l’ai vu gourmander les sœurs lorsqu’elles m’imposèrent le nom de roi ; il leur commanda de lui parler ; et alors, d’une bouche prophétique, elles le proclamèrent père d’une race de rois. — Elles n’ont placé sur ma tête qu’une couronne sans fruit et ne m’ont donné à saisir qu’un sceptre stérile que m’arrachera une main étrangère, sans qu’aucun fils sorti de moi me succède. S’il en est ainsi, c’est pour la race de Banquo que j’ai souillé mon âme ; c’est pour ses enfants que j’ai assassiné cet excellent Duncan ; pour eux seuls j’ai mêlé d’odieux souvenirs la coupe de mon repos, et j’aurai livré à l’ennemi du genre humain mon éternel trésor pour les faire rois ! […] Rébellion, ne lève point la tête jusqu’à ce que je voie se lever la forêt de Birnam ; et Macbeth, au faîte de la grandeur vivra tout le bail de la nature, et son dernier soupir sera le tribut payé à la vieillesse et à la loi de mort. — Cependant mon cœur palpite encore du désir de savoir une chose : dites-moi (si votre art va jusqu’à me l’apprendre), la race de Banquo régnera-t-elle un jour dans ce royaume ? […] Désormais, les premiers mouvements de mon cœur seront aussi les premiers mouvements de ma main ; dès à présent, pour couronner mes pensées par les actes, il faut, par une exécution aussi prompte que ma volonté, surprendre le château de Macduff, m’emparer de Fife, passer au fil de l’épée sa femme, ses petits enfants, et tout ce qui a le malheur d’être de sa race.

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