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16. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Ce n’est donc nullement la religion qui fait le signe de distinction dans l’empire : c’est la race conquérante et la race conquise. […] Mais aucune de ces races néanmoins, chrétienne ou non chrétienne, n’y existe en nombre assez prédominant pour y succéder à l’empire ottoman, si cet empire s’écroulait par une décomposition spontanée ou par la violence de l’Europe. […] XIII Aucune de ces races, pas même la race grecque, n’est donc assez agglomérée dans les mêmes provinces d’Europe, d’Asie ou d’Afrique, pour s’y lever en une unité puissante et pour dire : « Je suis la population héritière des Turcs. » Il y a plus encore : c’est que toutes les races, chrétiennes ou autres, disséminées sur le sol ottoman sont mille fois plus antipathiques entre elles qu’elles ne le sont aux Turcs sous l’empire desquels ces races vivent, et que, si l’on mettait aux voix à qui l’empire, il n’y a pas une de ces tribus qui ne répondît sans hésiter : « Aux Turcs plutôt qu’aux Grecs ; aux Turcs plutôt qu’aux Arméniens ; aux Turcs plutôt qu’aux Arabes ; aux Turcs plutôt qu’à aucune de ces petites races faibles et tyranniques, assez fortes pour nous opprimer, trop peu pour nous défendre. Mieux vaut pour nous cette subalternité dans l’empire turc que le joug tracassier et persécuteur de ces populations rivales qui nous haïssent. » La substitution d’une race politique en Turquie à la race gouvernante des Ottomans serait donc une anarchie sanguinaire qu’aucune de ces races ne serait assez prédominante pour étouffer sous la force ; l’Orient se dépeuplerait sous leur lutte. […] L’aspiration d’une grande race éclairée, courageuse, à rentrer en possession d’elle-même, est un droit ; c’est la légitimité de l’âme des nations.

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