Le but qui lui est proposé, n’est-ce pas l’émancipation d’une race entière d’hommes qui ne comptaient pas jusqu’ici dans la civilisation ? […] Qu’elle dût un jour revenir sur le charme qui l’avait séduite, je n’hésite pas à le reconnaître ; mais ce qui est certain, c’est que la génération des esprits se trouva superbement renouvelée par ce croisement des races intellectuelles. […] Il a mis en présence trois aristocraties, celle de la race, celle de l’argent, celle de l’intelligence. […] Scribe, dont il diffère en tout le reste ; cherchant le danger qui double le succès ; jetant au public un perpétuel défi, l’agaçant, l’irritant à la manière des dompteurs, le faisant rugir pour se donner la gloire de le vaincre ; lettré studieux, nourri des meilleurs styles, habile à les prendre tous ; ménechme charmant de Beaumarchais quand il a voulu l’être ; joueur qui ne vise qu’aux coups de partie et refait peut-être trop souvent le coup de l’alcôve ; moralisateur qui a manqué sa visée dans La Famille Benoîton et prouvé une fois de plus que le théâtre châtie les mœurs sans les corriger, mais dont le succès marque une époque et aura eu l’honneur de donner un nom à l’extravagance de 1866 en matière de toilette ; Félicien Mallefille, talent inégal avec des parties de premier ordre ; excellent où il est bon : dans le portrait, dans le récit, dans la tirade satyrique et l’enchaînement précieusement travaillé du dialogue ; main de maître quand il écrit, moins habile à nouer l’ensemble de sa composition qui lui échappe ; écrivain dramatique plutôt qu’auteur dramatique ; supérieur à son œuvre incomplète où le comique a ironiquement survécu ; visant haut, sujet à manquer le succès, mais s’imposant à l’estime ; figure à part qui ne prend pas de rang, et, solitaire, se drape avec un juste orgueil dans sa noble renommée ; Puis les survivants et les derniers nés de l’école de 1830, fidèles à la forme du grand théâtre, à la poésie, à la rime rare, à la parole épique : Jules Lacroix, l’auteur du Testament de César, de Valéria et de La Jeunesse de Louis XI, le traducteur de Sophocle et de Shakspeare, d’Œdipe-Roi et de Macbeth ; Louis Bouilhet, aimé de la jeunesse de l’Odéon, poëte dans Madame de Montarcy, poëte dans La Conjuration d’Amboise, et dont l’inspiration dramatique, marquée dès le début au coin des vers de Ruy-Blas, en a toujours gardé la vive effigie ; Puis ceux qui devaient être aussi des poëtes et qui, surpris dans le mouvement arrêté par l’échec des Burgraves, se sont repliés sur le drame en prose avec les qualités supérieures de leur grande éducation littéraire : Paul Meurice, Auguste Vacquerie, Victor Séjour, Ferdinand Dugué et Édouard Plouvier ; Puis les romanciers qui se sont décidés à faire de leur propre invention ce que le théâtre s’était accoutumé à faire de l’invention d’autrui et à donner eux-mêmes à leurs récits la seconde façon du théâtre : Auguste Maquet, le collaborateur avoué d’Alexandre Dumas, associé à ses plus grands succès, lieutenant d’Alexandre et digne de devenir son émule ; Paul Féval, en qui Frédéric Soulié avait deviné son successeur, le dernier des romanciers de la forte race, et auquel il avait ouvert lui-même les portes de l’Ambigu-Comique ; puis les vieilles gloires du drame de passion et d’intrigue les habiles, les heureux, Adolphe d’Ennery et Anicet Bourgeois, maîtres d’un genre populaire dans toute l’Europe, traduit partout et partout imité ; En remontant à la comédie en vers : Camille Doucet, l’auteur des Ennemis de la maison et du Fruit défendu, esprit vif, alerte, enjoué, fin satirique, dont le vers bien disant part comme un trait et pique droit où il vise ; Pailleron, qui fait causer le sien, le rompt à son gré et le désarticule à plaisir pour l’ajuster à tous les mouvements de la conversation familière ; de Belloy, qui devait traduire Térence, dont il avait déjà, dans Pythias et Damon, la délicate et discrète élégance ; Théophile Gautier, qui a fait un chef-d’œuvre, le prologue de Falstaff, et qui frappe le vers de théâtre ( Pierrot Posthume et Le Chapeau de Fortunatus) avec le vrai coin du seizième et du dix-septième siècle ; Théodore de Banville, dont la muse gracieuse, car c’est bien une Muse, dédaigne de poser son brodequin de pourpre hors des palais qu’habite Cypris et des vallons où l’Amour vengé attire Diane chasseresse auprès d’Endymion endormi ; Gondinet, qui a fait Les Révoltées, et qui fera bien d’autres jolis vers amusants avec un esprit qui lui appartient, original, naturel et moderne ; Au-dessous (pourquoi au-dessous ?)