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688. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Ainsi considéré, Virgile, dans ses Géorgiques, n’est plus seulement un poète, il s’élève à la fonction d’un civilisateur et remonte au rôle primitif d’un Orphée, adoucissant de féroces courages. — Touchant, en passant, les travaux de Pouilly et de Beaufort qui, bien * avant Niebuhr, avaient mis en question les premiers siècles de Rome, Gibbon s’applique à trouver une réponse, une explication plausible qui lève les objections et maintienne la vérité traditionnelle : « J’ai défendu avec plaisir, dit-il, une histoire utile et intéressante. » Celui qui exposera le déclin et la chute de l’Empire romain se retrouve ici, comme par instinct, défendant et maintenant les origines et les débuts de la fondation romaine. — En ce qui est de l’usage que les poètes ont droit de faire des grands personnages historiques (car Gibbon, dans cet Essai, touche à tout), il sait très bien poser les limites du respect dû à la vérité et des libertés permises au génie : selon lui, « les caractères des grands hommes doivent être sacrés ; mais les poètes peuvent écrire leur histoire moins comme elle a été que comme elle eût dû être ». […] Il poursuit toujours un sujet d’histoire, se méfiant encore de ses forces et sentant toute la dignité du genre : « Le rôle d’un historien est beau, mais celui d’un chroniqueur ou d’un couseur de gazettes est assez méprisable. » La croisade de Richard Cœur-de-Lion l’attire un moment ; mais, à la réflexion, ces siècles barbares, ces mobiles auxquels il est si étranger ne sauraient le fixer, et il lui semble qu’il serait plutôt du parti de Saladin.

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