Les jeunes courtisans, les ambitieux qui l’entouraient, voyaient avec dépit se perpétuer cette tutelle du cardinal et cette insipide enfance, ce rôle d’écolier d’un roi qui avait déjà plus de trente ans : ils comprirent qu’il n’y avait qu’une seule manière de l’émanciper et de le rendre maître, c’était de lui donner une maîtresse. […] Mais, au milieu de ces ballets et de ces opéras dont Montesquieu faisait fi et dont le détail nous a été transmis par Laujon, on jouait aussi Le Tartuffe ; on le jouait à deux pas de la cour dévote du Dauphin, et les courtisans qui n’avaient ni rôle ni place de faveur ne s’en consolaient pas. […] Il y eut donc, dans la carrière et le crédit de Mme de Pompadour, deux époques distinctes : la première, la plus brillante et la plus favorisée, fut au lendemain de la paix d’Aix-la-Chapelle (1748) : là elle était complètement dans son rôle d’amante jeune, éprise de la paix, des arts, des plaisirs de l’esprit, conseillant et protégeant toutes les choses heureuses. […] Comme maîtresse et amie du prince, comme protectrice des arts, son esprit se trouva tout à fait au niveau de son rôle et de son rang : comme politique, elle fléchit, elle fit mal, mais pas plus mal peut-être que toute autre favorite en sa place n’eût fait à cette époque, où manquait chez nous un véritable homme d’État.