Le poëte est là tout entier dans ses rêves de liberté sans limites, sa haine de la tyrannie sous toutes les formes, les démentis de son espérance, sa tristesse aussi profonde que sa confiance avait été aveugle et trompée : « Ô vous, nuages, qui, au loin sur ma tête, flottez et vous arrêtez, vous dont nul mortel ne peut régler la marche dans l’espace sans route ; vous, ondes de l’Océan, qui, vers quelque plage que vous rouliez, n’obéissez qu’aux lois éternelles ; vous, forêts, qui écoutez le chant de l’oiseau de nuit penché sur l’écorce d’une branche inclinée, hormis quand vous-mêmes, secouant vos rameaux, vous formez ce majestueux concert des vents devant lequel, comme un inspiré de Dieu, à travers des détours que nul homme des bois n’a jamais foulés, j’ai tant de fois égaré, parmi les herbes sauvages en fleurs, ma course éclairée de la lune, sous l’aspect ou l’écho de chaque image informe qui m’apparaissait, de chaque bruit insaisissable retentissant au désert ! […] « Et qu’importe, disais-je, quand même le cri du blasphème lutterait avec cette douce harmonie des chants de délivrance, quand même toutes les passions violentes et enivrées mèneraient une danse plus folle que ne le fut jamais le rêve du maniaque ! […] pardonne ces rêves : j’entends ta voix, j’entends ta forte plainte sortir des cavernes glacées de la blanche Helvétie ; j’entends tes soupirs versés sur les fleuves teints de sang.