Composé d’expressions vagues, il convient au « besoin d’idéal » et au rêve. […] Le rêve et l’abstraction, telles furent les deux passions de notre renaissance : d’un côté l’exaltation sentimentale, « les aspirations de l’âme », le désir vague de bonheur, de beauté, de sublimité, qui imposait aux théories l’obligation d’être consolantes et poétiques, qui fabriquait les systèmes, qui inventait les espérances, qui subordonnait la vérité, qui asservissait la science, qui commandait des doctrines exactement comme on commande un habit ; de l’autre, l’amour des nuages philosophiques, la coutume de planer au haut du ciel, le goût des termes généraux, la perte du style précis, l’oubli de l’analyse, le discrédit de la simplicité, la haine pour l’exactitude ; d’un côté la passion de croire sans preuves ; de l’autre la faculté de croire sans preuves : ces deux penchants composent l’esprit du temps. […] Partout on vit se mêler la métaphore et l’abstraction, la poésie et la philosophie, le rêve et la formule. […] De ce côté, toute espérance n’est pas perdue ; on est déjà bien revenu du rêve, des aspirations vagues et des grands mots ; la chute de vingt systèmes réformateurs nous a mis en défiance ; nous ne pensons plus que la poésie soit un instrument de précision, et nous commençons à soupçonner que le cœur est fait pour sentir et non pour voir.