Elle s’abat sous le coup, et reste morne, sans crier, comme « un misérable brisé sur la route. » Aux encouragements, aux consolations, elle ne répond que par un étrange sourire de statue. « Allons, courage, je sauverai votre vie72. — En vérité, je n’ai pas le loisir de songer à une si petite chose. — Sur ma parole, j’ai pitié de vous. — Alors, tu es fou de dépenser ta pitié ainsi ; moi je ne peux pas avoir pitié de moi-même… Mon cœur est plein de poignards. » Paroles lentes, prononcées à mi-voix, comme en un rêve ou comme si elle parlait d’un autre. […] L’avocat parle d’abord latin77 : « Non, qu’il parle en langue ordinaire ; autrement, je ne répondrai pas. — Mais vous comprenez le latin. — Je le comprends, mais je veux que toute cette assemblée entende. » Poitrine ouverte, en pleine lumière, elle veut un duel public, et provoque l’avocat : « Me voici au blanc, tirez sur moi, je vous dirai si vous touchez près. » Elle le raille sur son jargon, l’insulte, avec une ironie mordante. « Sûrement, messeigneurs, cet avocat a avalé quelque ordonnance ou quelque formule d’apothicaire, et maintenant les gros mots indigestes lui reviennent au bec, comme les pierres que nous donnons aux faucons en manière de médicaments. […] Bianca, croyant Césario ruiné, vient s’offrir à lui comme épouse, et, apprenant qu’il n’en est rien, renonce à lui à l’instant sans une plainte. « Ne m’aimez plus ; je prierai pour vous afin que vous ayez une femme vertueuse et belle, et quand je serai morte, pensez à moi quelquefois, avec un peu de pitié pour ma témérité… J’accepte votre baiser, c’est un cadeau de noces sur une tombe de vierge91. » La duchesse de Brachiano est trahie, insultée par son mari infidèle ; pour le soustraire à la vengeance de sa famille, elle prend sur elle la faute de la rupture, joue exprès la mégère, et, le laissant libre avec sa courtisane, va mourir en embrassant son portrait. — Aréthusa se laisse blesser par Philaster, arrête les gens qui veulent retenir le bras du meurtrier, déclare qu’il n’a rien fait, que ce n’est pas lui, prie pour lui, l’aime en dépit de tout, jusqu’au bout, comme si toutes ses actions étaient sacrées, comme s’il avait droit de vie et de mort sur elle. — Ordella s’offre afin que le roi son mari puisse avoir des enfants92 ; elle s’offre au sacrifice, simplement, sans grands mots, tout entière93 ; quoi que ce soit ; « pourvu que ce soit honnête, elle est prête à tout hasarder et à tout souffrir. » — Lorsqu’on la loue de son héroïsme, elle répond qu’elle fait « simplement son devoir. — Mais ce sacrifice est terrible !