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1038. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

La peinture ou l’imitation d’une réalité toute prochaine encore devenait l’une des conditions du genre. […] Ils pourront se confondre encore, puisqu’enfin toute poésie a sa source au moins dans la réalité, comme toute réalité peut devenir poétique, si l’on la regarde et qu’on la traite en poète ; mais la confusion n’en sera plus une, et le romancier saura toujours ce qu’il fait. […] L’homme tel que Voltaire lui-même, Diderot, Montesquieu, Buffon, Rousseau, d’Alembert, Condorcet, Condillac, le conçoivent, c’est l’homme selon Descartes, l’homme rationnel, si je puis ainsi dire, l’homme abstrait, ou plutôt encore l’homme soustrait aux conditions de temps et de lieu, c’est-à-dire indépendant de l’histoire et de la réalité. […] Aussi longtemps que le jansénisme a dominé sur les esprits, le sens de la réalité, l’idée de la duplicité ou de la complexité de l’homme, la connaissance ou le sentiment de la limitation de l’esprit ont empêché nos philosophes de faire à la raison cette place prééminente, unique, souveraine. […] Comme à La Bruyère dans ses caractères, comme à Bourdaloue dans ses sermons, comme à Molière dans ses comédies, les réalités prochaines ou présentes ne lui servent que d’une occasion pour étudier en elles quelque chose de plus général et de plus permanent qu’elles-mêmes.

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