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459. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Ses défauts sont de ceux qui choquent le plus aisément en France, ce ne sont pas des défauts français ; et ses qualités sont de celles qui ne viennent trop souvent dans le monde qu’après les choses de tact et de goût, car elles tiennent à l’âme et au caractère. […] On peut juger un homme public, mort ou vivant, avec quelque rudesse ; mais il me semble qu’une femme, même morte, quand elle est restée femme par les qualités essentielles, est un peu notre contemporaine toujours ; elle l’est surtout quand elle n’a cessé de se continuer jusqu’à nous par une descendance de gloire, de vertu et de grâce. […] Mme Du Deffand, juge si sévère et si redoutable, et qui se lia plus tard avec les Necker, goûtait fort le mari et reconnaissait à la femme de l’esprit et du mérite ; elle disait de lui pourtant qu’au milieu de toutes ses qualités il lui en manquait une, et celle qui rend le plus agréable, « une certaine facilité qui donne, pour ainsi dire, de l’esprit à ceux avec qui l’on cause ; il n’aide point à développer ce que l’on pense, et l’on est plus bête avec lui qu’on ne l’est tout seul ou avec d’autres ». […] L’autre grande amitié de Mme Necker fut pour Thomas, pour cet écrivain estimable et moral, qu’il est de mode de venir railler aujourd’hui, mais qui eut des talents littéraires distingués et des qualités de cœur touchantes : Nous fûmes unis dans notre jeunesse par tous les rapports honnêtes, lui écrivait Mme Necker (1778), et jamais une idée moins pure ne vint ternir votre amitié.

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