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455. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Tel défaut qui, dans le chef, était balancé et tenu en échec par une haute qualité, se démasque tout à coup chez les descendants, et apparaît hors de mesure. […] Ce M. de Malezieu, qui devint le personnage essentiel de la cour de la duchesse, son oracle en tout genre ; et de qui on parlait à Sceaux comme de Pythagore : « Le maître l’a dit », devait certes avoir plus d’une qualité ; mais il est difficile aujourd’hui de se faire une juste idée de son mérite. […] Mlle de Launay, durant plus de quarante ans, demeura auprès de sa maîtresse, et elle a laissé des Mémoires piquants, qui sont depuis longtemps admirés pour la qualité du langage et l’agrément du récit. […] L’auteur du portrait continue de nous montrer ainsi tous les vices naïfs de sa princesse, toutes ses qualités sans âme et sans lien, sa religion sans piété, sa profusion sans générosité, beaucoup de connaissances sans aucun vrai savoir, « tous les empressements de l’amitié sans en avoir les sentiments », pas le moindre soupçon de la réciprocité et de la sympathie humaine : « On n’a point de conversation avec elle ; elle ne se soucie pas d’être entendue, il lui suffit d’être écoutée. » Et à la voir ainsi se montrer à nu non par franchise, mais parce qu’elle n’a en elle aucun principe d’égards et d’attention pour autrui, Mlle de Launay conclut en citant ce mot qui exprime le résultat de toute son étude, et qu’elle aurait bien trouvé d’elle-même : Elle (la duchesse du Maine) a fait dire à une personne de beaucoup d’esprit que les princes étaient en morale ce que les monstres sont dans la physique ; on voit en eux à découvert la plupart des vices qui sont imperceptibles dans les autres hommes.

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