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1571. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Si, de la matière organisée et vivante, nous arrivons à la matière minérale et brute, puis à la matière mécanique, nous voyons le groupe des caractères communs aux divers corps, d’une part, se réduire jusqu’à ne plus consister qu’en une ou deux qualités presque absolument simples, d’autre part, s’appliquer jusqu’à comprendre tous les corps imaginables et réels. — Ainsi les caractères généraux s’ordonnent par étages, les uns au-dessus des autres, et, à mesure qu’on trouve leur présence plus universelle, on trouve leur contenu moindre. […] Car, plus les points de ressemblance sont rares, plus la classe contient d’individus ; plus elle contient d’individus, plus le caractère auquel correspond l’idée, c’est-à-dire le nom, est général et abstrait ; plus ce caractère est général et abstrait, plus il occupe de place et relie d’individus dans la nature. — Découvrir des rapports entre des objets très éloignés, démêler des analogies très délicates, constater des traits communs entre des choses très dissemblables, former des idées très générales, isoler des qualités très abstraites, toutes ces expressions sont équivalentes, et toutes ces opérations se ramènent à l’évocation du même nom par des perceptions ou représentations dont les ressemblances sont très minces, à l’éveil du signe par un stimulant presque imperceptible, à la comparution mentale du mot sous un minimum d’appel. […] Nous construisons l’utile, le beau et le bien, et nous agissons de manière à rapprocher les choses, autant que possible, de nos constructions. — Par exemple, étant données des pierres éparses et brutes, nous les supposons équarries, transportées, empilées à l’endroit où nous voulons habiter, et, conformément à l’idée du mur ainsi construit, nous construisons le mur réel qui nous préservera du vent. — Étant donnés les hommes qui vivent autour de nous, nous sommes frappés d’une certaine forme générale qui leur est propre ; nous remarquons à un plus haut degré, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, les signes extérieurs de telle qualité ou disposition bienfaisante pour l’individu ou pour l’espèce, agilité, vigueur, santé, finesse ou énergie93 ; nous recueillons par degrés tous ces signes ; nous souhaitons contempler un corps humain en qui les caractères que nous jugeons les plus importants et les plus précieux se manifestent par une empreinte plus universelle et plus forte, et, s’il se trouve un artiste chez qui ce groupe de conditions conçues aboutisse à une image expresse, à une représentation sensible, à une demi-vision intérieure, il prend un bloc de marbre et y taille la forme idéale que la nature n’a pas su nous montrer. — Enfin, étant donnés les divers motifs qui poussent les hommes à vouloir, nous constatons que l’individu agit le plus souvent en vue de son bien personnel, c’est-à-dire par intérêt, souvent en vue du bien d’un autre individu qu’il aime, c’est-à-dire par sympathie, très rarement en vue du bien général, abstraction faite de son intérêt ou de ses sympathies, sans plus d’égard pour lui-même ou pour ses amis que pour tout autre homme, sans autre intention que d’être utile à la communauté présente ou future de tous les êtres sensibles et intelligents.

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