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1379. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Scènes de notre enfance, après quinze ans rêvées, Au plus pur de mon cœur impressions gravées, Lieux, noms, demeure, et vous, aimables habitants, Je vous revois encore après un si long temps, Aussi présents à l’œil que le sont des rivages À l’onde dont le cours reflète les images, Aussi frais, aussi doux, que si jamais les pleurs N’en avaient de mes yeux altéré les couleurs ; Et vos riants tableaux sont à mon âme aimante Ce qu’au navigateur battu par la tourmente Sont les songes dorés qui lui montrent de loin Le rivage chéri de son bonheur témoin, L’ondoyante moisson que sa main a semée, Et du toit paternel le seuil, ou la fumée ! […] Heureuse au fond des bois la source pauvre et pure ! […] Il m’amena lui-même dans ma retraite devenue foule, le prince de Léon, ce jeune duc de Rohan que la dévotion enlevait déjà au monde, mais qui goûtait encore dans la poésie et dans l’amitié les dernières et les plus pures illusions de la vie. […] Est-ce un tribun de paix soulevé par la houle, Offrant, le cœur gonflé, sa poitrine à la foule, Pour que la liberté remontât pure aux cieux ? […] Maintenant que je suis mort au monde et que je n’assiste plus qu’en spectateur relégué sur les derniers gradins du cirque au drame du monde, drame sans commencement et sans dénouement, quand je veux me donner un de ces purs plaisirs d’esprit que les ombres se donnent dans les champs Élysées du Dante en causant des choses de la terre avec ceux qui habitent encore le monde des vivants, je sors seul vers le milieu du jour de ma retraite laborieuse, je m’achemine vers l’extrémité presque suburbaine de la ville, et je monte l’escalier de bois qui mène à la petite chambre du philosophe.

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