/ 1999
8. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Pour mériter le nom de passion, il faut qu’il absorbe toutes les autres affections de l’âme, et ses plaisirs comme ses peines n’appartiennent qu’au développement entier de sa puissance. […] La célébrité qu’on peut acquérir par les écrits est rarement contemporaine, mais alors même qu’on obtient cet heureux avantage, comme il n’y a rien d’instantané dans ses effets, d’ardent dans son éclat, une telle carrière ne peut, comme la gloire active, donner le sentiment complet de sa force physique et morale, assurer l’exercice de toutes ses facultés, enivrer enfin par la certitude de la puissance de son être. […] Les événements du hasard, ceux qu’aucune des puissances de la pensée ne peuvent soumettre, sont cependant placés, par la voix publique, sur la responsabilité du génie. […] Les soldats jugent leur général, la nation ses administrateurs : quiconque a besoin du suffrage des autres, a mis, tout à la fois, sa vie sous la puissance du calcul et du hasard, de manière que le travail du calcul, ne peut lui répondre des chances du hasard, et que les chances du hasard, ne peuvent le dispenser du travail du calcul. […] Mais, poursuivant le projet que j’ai embrassé, je ne cherche point à détourner l’homme de génie de répandre ses bienfaits sur le genre humain ; mais je voudrais retrancher des motifs qui l’animent, le besoin des récompenses de l’opinion ; je voudrais retrancher ce qui est l’essence des passions, l’asservissement à la puissance des autres.

/ 1999