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757. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

. — Chacun connaît la puissance de l’image, surtout quand elle est étrange ou terrible, dans un esprit surexcité et prévenu : elle est prise pour une sensation, et l’illusion est complète. […] Dans le premier cas, l’image, qui surgissait d’elle-même, spontanément, sans liaisons ni précédents visibles, avec une puissance toute personnelle et automatique, annulait le réducteur spécial : dans le second cas, l’image, qui surgissait par un effort du groupe équilibré d’idées et de désirs que nous appelons nous-mêmes, laissait le réducteur spécial faire son office. — Au bout de deux mois environ, pour suppléer à la saignée omise, on appliqua des sangsues au malade, et il vit les sensations normales reparaître, non pas subitement, mais par portions et par degrés. « Durant l’opération, dit Nicolaï, ma chambre se remplit de figures humaines de toute espèce. […] Des jugements généraux acquis par l’expérience leur sont associés, et tous ensemble ils forment un groupe d’éléments liés entre eux, équilibrés les uns par rapport aux autres, en sorte que le tout est d’une consistance très grande et prête sa force à chacun de ses éléments. — Chacun peut observer sur soi-même la puissance réductrice de ce groupe. […] Baillarger rêva une nuit que telle personne était nommée directeur d’un certain journal ; le matin, il croyait la chose vraie et en parla à plusieurs personnes, qui apprirent la nouvelle avec intérêt ; toute la matinée, l’effet du rêve persista, aussi fort que celui d’une sensation véritable ; vers, trois heures seulement, comme il montait en voiture, l’illusion se dissipa ; il comprit qu’il avait rêvé ; ainsi le groupe réducteur n’avait repris son ascendant qu’au bout d’une demi-journée. — À cet égard, la minutie et l’intensité d’une image volontaire ont parfois la même puissance que le rêve.

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