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21. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Par l’ambition, je désigne la passion qui n’a pour objet que la puissance, c’est-à-dire, la possession des places, des richesses, ou des honneurs qui la donnent ; passion que la médiocrité doit aussi concevoir, parce qu’elle peut en obtenir les succès. […] La connaissance parfaite des hommes doit amener, ou à s’affranchir de leur joug, ou à les dominer par la puissance. […] L’orgueil, ou la paresse, la défiance, ou l’aveuglement, naissent de la possession continue de la puissance ; cette situation où la modération est aussi nécessaire que l’esprit de conquête, exige une réunion presque impossible ; et l’âme qui se fatigue ou s’inquiète, s’enivre ou s’épouvante, perd la force nécessaire pour se maintenir. […] Enfin, les malheurs de l’ambition sont d’une telle nature, que les caractères les plus forts n’ont jamais trouvés, en eux-mêmes, la puissance de s’y soumettre. […] Une révolution suspend toute autre puissance que celle de la force ; l’ordre social établit l’ascendant de l’estime, de la vertu : les révolutions mettent tous les hommes aux prises avec leurs moyens physiques ; la sorte d’influence morale qu’elles admettent, c’est le fanatisme de certaines idées qui n’étant susceptible d’aucune modification, ni d’aucune borne, sont des armes de guerre, et non des calculs de l’esprit.

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