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859. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Poirson, moins exigeant, doit trouver que c’est assez ; il a désormais son Procope, et l’histoire publique n’a plus qu’à s’accommoder comme elle peut de cette histoire secrète qui la côtoie. […] Toujours Mathieu Marais maintiendra la mémoire de Despréaux et s’y montrera fidèle, même alors que le goût public aura le plus changé et que l’esprit des Fontenelle et des La Motte prévaudra. […] Son succès, longtemps contenu comme tant d’autres choses, n’en éclata que mieux sous la Régence ; c’était, en son genre, un des signes manifestes de la réaction contre Louis XIV ; et lorsque le danois Holberg, qui allait être le disciple de Molière dans le Nord, vint à Paris, où il séjourna pendant une partie des années 1715-1716, il put noter, comme un fait mémorable, qu’à la Bibliothèque Mazarine, la première en date de nos bibliothèques publiques, « l’empressement des étudiants à demander le Dictionnaire de Bayle était tel qu’il fallait arriver longtemps avant l’ouverture des portes, jouer des coudes et lutter de vitesse pour obtenir le précieux volume6. » On faisait queue pour le lire, dans ce même lieu où l’on fait queue maintenant pour entrer aux séances de l’Académie. […] Il s’agit là de ceux qui ont à parler en public, et qui ont à faire usage parfois de l’arme de l’ironie ou du ridicule ; la recommandation en ce qui les concerne est, on le conçoit, d’une importance bien plus grande encore, tout actuelle, pour ainsi dire, et tout immédiate : « Parcendum est maxime caritati hominum, ne temere in eos dicas qui diliguntur. » Il ne s’agit pas d’aller se moquer d’un personnage généralement aimé. […] Étendons et appliquons à tout l’ordre littéraire ce qui est presque de nécessité pour un orateur public ; traitons, en un mot, les lecteurs, quoiqu’ils ne soient pas tous présents sous nos yeux, comme des auditeurs, et n’allons point, sans de fortes raisons, faire offense à leurs sympathies.

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