Il n’y en a presque pas un chez qui le premier essor du talent n’ait été combattu comme un délire qu’il fallait réprimer, ou retardé, affaibli par la détresse, plus accablante encore que les contradictions… Il y a donc bien peu d’entre eux dont le public puisse se flatter de connaître les talents en entier. […] Les hommes de lettres doivent veiller à leurs propos, à leurs pensées publiques, car ils ne peuvent donner au monde que cela. […] Et encore, et plus gaiement (septembre 1770) : Je crois que rien ne pourra empêcher le factum de La Chalotais de paraître ; le public s’amusera, disputera, s’échauffera ; dans un mois, tout finira ; dans cinq semaines, tout s’oubliera. […] Voltaire, disons-le, dans les dernières années de sa vie, nous apparaît, par cette suite même de lettres, comme s’étant occupé activement du bien public dans sa petite contrée de Gex, et de tous les intérêts particuliers qui, de loin, faisaient appel à son patronage ; il plaide sans cesse auprès des ministres et des sous-ministres pour ses colons et pour tout ce qui peut assurer leur existence ou améliorer leur bien-être, et aussi pour les autres clients plus éloignés qui se donnaient à lui. […] Il y est reçu comme on sait, et, au sortir de cette représentation où son buste est couronné, il écrit à la présidente de Meynières : « Après trente ans d’absence et soixante ans de persécution, j’ai trouvé un public et même un parterre devenu philosophe, et surtout compatissant pour la vieillesse mourante… » il est séduit, il pardonne ; toute sa colère est tombée.